Figures historiques analogues 10/10 : Marco Polo et Zhang Qian
Dans cette série, nous nous penchons sur des personnages historiques du passé de la Chine et de l'Occident ayant d'incontestables « similitudes ».
En 138 avant J.-C., un fonctionnaire du nom de Zhang Qian se rendit vers l'Ouest, hors des frontières de la Chine, pour une mission diplomatique. Cependant, une suite d'imprévus rallongea son voyage de quelques 25 ans. Pendant cette période, il visita de nombreux royaumes inconnus des Chinois, et recueillit nombre d'informations détaillées, précieuses et édifiantes. Les rapports de Zhang Qian marquèrent un tournant dans les échanges avec l'Ouest, au-delà des frontières de la Chine. Ses voyages ont été bien documentés dans les chroniques de l'Histoire Mémoires historiques.
Zhang Qian
Fonctionnaire et diplomate de la dynastie Han, Zhang Qian (164-113 avant J.-C.) fut envoyé par l'empereur chez les Yuezhi, une tribu nomade voisine, pour y conclure un traité d'alliance. En chemin, il traversa un territoire hostile, fut fait prisonnier et resta emprisonné pendant plus de dix ans.
Sans se laisser décourager, il réussit à s'échapper et à atteindre sa destination. Une fois sur place, Zhang réalisa que le peuple Yuezhi n'était pas enclin à faire alliance. Cependant il découvrit autre chose. Il fut surpris de constater que les Yuezhi étaient très développés sur le plan agricole, qu'ils cultivaient un certain nombre de plantes inconnues des Chinois et qu'ils élevaient de magnifiques chevaux.
De là, Zhang s'aventura dans toute l'Asie centrale, consignant ses découvertes et ses observations, avant de retourner à la capitale des Han, en empruntant une route différente, qu'il espérait plus sûre.
Mais il fut à nouveau capturé.
Heureusement cette fois-ci, il ne lui fallut que deux ans avant qu'une occasion parfaite d'évasion ne se présente. Après être rentré chez lui, Zhang rendit compte à l'empereur des Han des nombreux royaumes et états civilisés et densément peuplés qu'il découvrit, de leur culture, de leur mode de vie, de leur géographie et de tout ce qu'il y avait vu d'intéressant.
Selon les Mémoires historiques :
« L'empereur apprit l'existence des Dayuan, Daxia, Anxi et autres, tous de grands États possédant de riches particularités et dont les habitants vivaient de l'exploitation des terres à peu près de la même façon que les Chinois. »
Les chevaux de Ferghana « suant sang et eau », les guerriers montant des éléphants, les habiles archers, la luzerne utilisée comme fourrage, les dromadaires et le vin présentaient un intérêt tout particulier.
Zhang est connu comme le premier ayant apporté aux Chinois des informations précises et détaillées sur l'Asie centrale et ses peuples. Ses explorations conduisirent à l'expansion de la route de la soie à travers l'Asie centrale, et entraînèrent de nombreuses autres missions d'exploration.
Marco Polo
Au cours des siècles suivants, la route de la soie connut des hauts et des bas. Après la chute de la dynastie Tang au Xème siècle, elle devint particulièrement dangereuse et le commerce diminua considérablement. Ce n'est qu'au XIIIème siècle, lors de la Pax Mongolica, que la route reprit vie, moment clef pour l'entrée en scène de notre second personnage.
Marco Polo naquit en 1254 dans une famille de marchands vénitiens. Adolescent, il partit avec son père et son oncle pour un voyage d'affaires en Orient. Cependant, outre le commerce, le trio fut également impliqué dans d'autres activités, et 24 ans s'écoulèrent avant qu'ils ne remettent les pieds en Europe.
Après être partis de Venise, les Polos traversèrent Israël, la Turquie, l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan et le Tadjikistan actuels, ainsi que les déserts du Taklamakan et de Gobi. Arrivés à la capitale de la dynastie Yuan, ils furent accueillis par Kublai Khan (petit-fils de Genghis). Les Khan, qui avait déjà rencontré le père et l'oncle, firent connaissance du jeune Polo et en firent son émissaire. Cette confiance initiale déboucha sur une nomination à long terme qui permit à Marco Polo d'explorer la Chine et l'Asie du Sud-Est pendant 17 ans avec un passeport VIP, découvrant des lieux et des choses qu'aucun Occidental n'avait vu auparavant.
Au premier abord, son expérience sembla bien plus agréable comparée aux dizaines d'années que Zhang Qian passa en captivité. Cependant, Marco Polo était tellement apprécié des Khan que, lorsqu'il voulut rentrer chez lui des années plus tard, ses requêtes furent à chaque fois refusées.
Finalement Marco obtint l'autorisation de rentrer. Mais à son arrivée chez lui en 1295, il trouva Venise en guerre. Marco devint commandant d'une galère mais se retrouva bientôt en prison, tout comme son compère chinois.
Cependant, il ne perdit pas son temps. C'est en prison que Polo (avec l'aide d'un compagnon de cellule écrivain) rédigea le manuscrit de ses voyages épiques.
« Le Livre des Merveilles du monde » de Marco Polo décrit la géographie et les traditions culturelles de l'Asie. Polo y fait mention de porcelaine et de poudre à canon, de « pierres qui brûlent comme des bûches » (charbon), d'une grande capitale dotée du « plus grand palais qui ait jamais existé » comportant une salle à manger pouvant accueillir 6 000 personnes, de monnaie en papier et du service postal impérial, de vastes réseaux de canaux, d'une production prodigieuse de fer et de sel, de livres de poche et de vêtements en soie, ainsi que d'éléphants, d'alligators et de singes. Pourtant, à la fin, Marco Polo affirme : « Je n'ai raconté que la moitié de ce que j'ai vu. »
Le récit de ses voyages procura aux Européens un premier aperçu complet de la Chine et d'autres pays d'Asie. Le livre devint incroyablement populaire et fut considéré à l'époque comme l'un des plus précieux récits sur le monde extérieur. On prétend que, près d'un siècle plus tard, un homme du nom de Christophe Colomb en emporta un exemplaire lors de ses propres voyages.
Voilà donc deux hommes - l'un allant d'Est en Ouest et l'autre d'Ouest en Est - qui s'embarquèrent dans de périlleux voyages, chacun d'une durée de deux décennies et demie et qui ramenèrent à leurs nations respectives des connaissances intrigantes sur des mondes fascinants qu'ils eurent la chance de visiter. À mille ans d'intervalle, Zhang Qian et Marco Polo se croisèrent en quelque sorte, éclairant et inspirant le monde, de par leurs rôles d'ambassadeurs des découvertes interculturelles.
Il s'agit du dixième et dernier parallèle de notre série Figures historiques analogues. Quel a été votre favori ? Avez-vous pensé à une autre paire de personnages que nous aurions pu inclure ? Faites-le nous savoir dans les commentaires ci-dessous. Oh, et soyez prêts pour un bonus la semaine prochaine.
Betty Wang
rédactrice contributrice