Un astronaute dans la fosse aux « multis »
Mes aventures continuent donc avec l'équipe audio! Je me suis rendu compte que beaucoup de mes expériences les plus intéressantes se passent en travaillant avec l'équipe de production. En dépit des heures matinales, du dur labeur et de rater l’heure de la pratique, je ne peux pas imaginer ne pas faire partie de l'équipe. Comme ce serait ennuyeux. En tous cas, revenons à mon histoire. Le 24 mars 2011, nous sommes arrivés à Dublin, en Irlande, après une traversée un peu difficile de dix-sept heures en bateau.
Cette année, nous avons joué dans un théâtre pratiquement flambant neuf situé sur l’autre rive du fleuve en face de notre ancien théâtre (qui était également neuf quand nous y avons joué l'année dernière). Ce théâtre était à la pointe de la technologie, sans compter que l'extérieur du bâtiment pourrait se retrouver dans un film de science-fiction illustrant la colonisation humaine sur Mars. Un énorme ascenseur à l'intérieur du bâtiment a monté notre camion plein d’accessoires au cinquième étage. Au cours de mes nombreux voyages dans les théâtres à travers le monde, j’ai rencontré beaucoup d'ascenseurs qui montaient notre équipement sur plusieurs étages depuis le rez-de chaussée, mais celui-ci a monté notre camion en entier! Quand j’ai exprimé mon émerveillement au sujet de l'ascenseur, un employé du théâtre a haussé les épaules avec désinvolture en disant : «Oh! Nous en avons deux comme ça.» Chaque fauteuil dans la salle était pourvu d’un petit appareil de climatisation sous le siège ainsi qu'une prise pour recharger les appareils électroniques pendant le spectacle. Contrairement aux théâtres plus anciens, tous les câbles électriques de ce théâtre passaient sous terre. Celui qui a conçu cet endroit avait pensé à tout. Quand j'avais besoin qu'un câble aille quelque part, un des employés du théâtre ouvrait un trou dans le sol à mon grand étonnement. «Intelligent, n’est-ce pas?» a demandé l’employé du théâtre en riant. «Génial.» ai-je répondu.
Pour qu’on entende l'orchestre dans toute la salle, tous les instruments doivent être équipés de petits micros et pour raccorder les micros avec les haut-parleurs du théâtre, nous avons deux gros câbles de plus de 7m de long (nous les appelons «multipaires» ou «multis».) Nous devions les tirer dans un tunnel souterrain sous le parterre, à travers toute la salle jusqu’à la console son derrière les sièges.
Lors de l'installation, un employé du théâtre nous a tiré les «multis». Il a vidé ses poches avant d'entrer dans le tunnel, gardant seulement sa lampe de poche. Il a alors enfilé quelque chose qui ressemblait à une combinaison hybride, à mi-chemin entre celle d’astronaute et celle d’une unité de confinement biochimique. Il était couvert de la tête au pied, laissant seulement le visage découvert. Sur le moment, j’ai pensé que la combinaison était un peu exagérée. Bien sûr, il pouvait y avoir un peu de poussière là-dessous, mais un costume d’astronaute était-il nécessaire?!
Ne vous méprenez pas, j'aimais bien la combinaison et ça me démangeait d’en porter une, je pensais juste que c'était un peu inutile. Quoi qu’il en soit, c’est comme ça dans les théâtres à la pointe du progrès. «C’est bon, j’y vais» a dit l'homme et il s’est engouffré dans une trappe, disparaissant dans l'obscurité. Quand il est sorti presqu’une demi-heure plus tard, j'ai froncé les sourcils de stupéfaction. Il était en sueur, sa combinaison était déchirée à cinq endroits différents et il avait une coupure sanglante au bras.
«Waouh! C’est intense,» c’est tout ce que j’ai pu dire.
«Ouais, je te raconte pas. Je ne serai pas ici quand les gars de ton équipe vont démonter, tu devras donc le faire la prochaine fois» a-t’il déclaré en enlevant sa combinaison mono-usage et déchirée de biochimiste/astronaute.
Le violoniste/astronaute Kevin Yang
juste avant le démontage de l’orchestre (TK Kuo)Vînt le moment du démontage de la scène, c’est-à-dire - tout démonter et emballer, j'ai passé hâtivement mes habits de travail, et naturellement, la redoutable combinaison. C’est juste un tunnel souterrain, ça ne doit pas être si terrible, pas vrai? En tournant le dos à mes inquiétudes, j'ai saisi une lampe de poche et demandé aux autres membres de l'équipe audio qui voulaient m’attendre dehors.
J’ai dit: «C’est bon, j’y vais» et je suis descendu dans le trou noir. Les premiers quelques mètres du tunnel étaient relativement spacieux. J'ai suivi les «multis» avec ma lampe de poche et continué à marcher jusqu'à ce que les multipaires montent le long d’un rebord, traversé par un système de ventilation en métal. Il y avait un petit espace triangulaire entre le rebord et les conduits d’aération. «Suis-je censé grimper par là?!» J'ai réfléchi et désespérément regardé autour pour trouver un autre chemin. Tout le reste était bouché; c’était la seule ouverture.
J'ai marmonné: «Incroyable». Tenant la lampe de poche entre mes dents, j'ai sauté et attrapé le rebord avec un genou. Me hissant par la force des bras, je me suis plié et je me suis comprimé et j’ai pu me faufiler de justesse par la petite ouverture. Il y avait déjà une déchirure sur le genou de ma combinaison. Heureux d'avoir passé ce petit obstacle, je me suis levé et je ne m’étais pas redressé de 15 centimètres que je me suis cogné durement la tête contre une poutre en acier. J’ai instinctivement poussé un petit cri. Faisant une panoramique vers le haut avec ma lampe de poche, j'ai vu que la «voûte» n’était qu’à un peu plus de 90 cm.
Je me suis dit à haute voix «Ah, c’est pas vrai?!» Cet endroit n'était certainement pas prévu pour que des personnes y passent! Est-ce qu’ils doivent faire ça chaque fois qu'ils doivent connecter le système son?! Qui a conçu ça!? C’est ça, être à la pointe de la technologie?! En secouant la tête, j'ai remis ma lampe de poche dans ma bouche et je me suis laissé tomber sur le sol poussiéreux. Etendu à plat ventre, j’ai rampé centimètre par centimètre, poussant avec mes coudes et mes genoux. J’avais l’impression d’être un soldat rampant dans une tranchée la nuit. Finalement, après ce qui a semblé être une heure, j’ai atteint un autre petit trou. L’étape suivante était un tunnel tubulaire où je me suis faufilé en me cognant et en m’éraflant. Au moment même où je croyais que le pire était passé, ma lampe de poche a suivi les gros câbles qui montaient le long d’un rebord à plus de 2m de haut. Il n'y avait aucune échelle pour grimper et j’étais entouré de ciment et d'acier des quatre côtés. Il n’y avait même pas de place pour plier les genoux et sauter. Alors j'ai commencé à chercher à tâtons, dans l’obscurité, quelque chose à quoi je puisse m’agripper pour escalader. J'ai fini par écarter les bras et les jambes en utilisant les murs eux-mêmes pour me monter. J’avais l’impression d’être une sorte d’agent secret pénétrant dans le camp ennemi. En fait, c’était assez cool comme sensation. Très cool, en y réfléchissant. J'ai atteint les câbles après m’être étiré un peu plus et je suis revenu sur mes pas de la même manière, excepté que maintenant je devais tirer un lourd paquet de câbles avec moi.
J’ai émergé en sueur, éraflé et meurtri. Cependant, je suis fier de dire que ce théâtre ne m'a PAS fait saigner. VICTOIRE.
Le survivant Keving Yang, après une mission dans la fosse aux multis (TK Kuo)
Kevin Yang
Violoniste au sein du Shen Yun Performing Arts Orchestra
2 avril 2011